Suite au dernier rapport de la DGT, Nadine Rauch, présidente du GIT, nous fait part de ses réflexions sur la profession infirmière.
La dernière Loi santé travail visant à renforcer la prévention auprès des employeurs est aujourd’hui un enjeu national qui touche tous les secteurs de la santé.
Trop longtemps, la France a négligé les acteurs de la santé au travail en limitant leur rôle à la simple visite médicale sans faire le lien entre la prévention et la sécurité au travail.
La santé des salariés ne peut être dissociée de leur sécurité. Les risques professionnels doivent pris en considération par rapport à leurs conséquences sur la santé des personnes.
Le métier d’infirmier a pour objectif de prendre en charge la personne dans sa globalité, en tenant compte de son environnement professionnel, familial, social, culturel….
L’infirmier en santé au travail a en plus les compétences de connaître par sa formation (1) et de maitriser à la fois les risques professionnels, la règlementation et tous les différents aspects relatifs au monde du travail.
Avec le manque de médecins du travail, la crise du Covid, la transformation permanente du monde du travail, le législateur a décidé d’impliquer davantage les IST dans le suivi de santé des salariés.
De nombreux décrets (2) permettent aux IST, dans certaines conditions, de prendre en charge le suivi de santé des salariés et de mener des actions de prévention. Cependant le cadre règlementaire dans lequel ces professionnels de santé doivent exercer n’est pas toujours clair ; il est sujet à interprétations, ce qui engendre parfois des difficultés à exercer notre pratique en toute indépendance et réelle autonomie.
Le rôle propre (3) mis en avant ne reflète pas toujours la réalité du terrain, le cadre règlementaire doit être mieux défini, plus protecteur afin que les IST puissent exercer leur pratique dans de meilleurs conditions et sans craindre d’être pris à défaut d’exercice illégal de la médecine.
Dans ses prérogatives, la Loi Santé Travail du 21 aout 2021 a prévu la mise en œuvre d’une enquête pilotée par la Direction Générale du Travail (DGT) afin de connaître l’activité et la gestion financière des Services de Prévention et de Santé au Travail (SPST).
Ce rapport souligne le besoin pour les SPST de s’appuyer sur les compétences des IST qui, d’après les chiffres, ont suivi plus de 2 millions de salariés en 2022, pour des visites d’information et de prévention mais aussi des actions de prévention.
Le monde du travail n’a cessé d’évoluer ces dernières années, la place de l’intelligence artificielle bouleverse les organisations du travail. L’émergence de nouveaux risques, le report du départ à la retraite demandent une meilleure prise en charge des salariés.
Le modèle économique d’aujourd’hui est impitoyable pour la grande majorité des salariés : Pression permanente, mise en place d’objectifs, précarité de l’emploi, polyvalence exigée, manque d’effectif ont pour conséquence l’augmentation des TMS et des RPS. Le bien-être au travail et la qualité du travail sont devenus un enjeu essentiel pour les salariés.
Dans ce contexte, la place des IST devient incontournable pour accompagner les salariés dans leurs parcours professionnels que ce soit dans le maintien dans l’emploi ou dans l’aménagement des postes de travail.
L’introduction de pratique avancée peut être une solution au regard des besoins des salariés et des SPST. Elle permettrait une prise en charge élargie, la possibilité de faire des recommandations et des prescriptions d’examens complémentaires, d’affirmer un peu plus la collaboration et la coopération avec le médecin du travail.
Cette évolution du métier doit s’accompagner d’un cadre règlementaire précis, la délégation de tâches a fait un pas vers cette autonomie et reconnaissance de l’IST, cependant nous sommes toujours dans l’expectative d’une reconnaissance de notre spécificité en véritable spécialité.
Aujourd’hui, nous sommes de plus en plus nombreux à exercer en santé au travail (39% SPSTI et autonomes confondus) et nous avons la possibilité de siéger dans différences instances (19% en CMT) afin de nous affirmer et d’être force de proposition (3)
Toutes ces perspectives, ces intentions ne verront le jour que s’il existe une véritable volonté de toutes les parties prenantes en modifiant l’approche, jusqu’alors très médicale. L’approche préventive doit être valorisée en s’appuyant sur d’autres professionnels de santé et en particulier sur les IST.
La prévention doit devenir « l’arme » prioritaire pour pallier à l’augmentation des risques professionnels dans le monde du travail.
Nadine Rauch
Coordinatrice et intervenante du DIUST Paris Descartes
Intervenante au Master de Santé Publique Option Santé au Travail Paris 13
Membre du Réseau des Infirmiers Enseignants
Présidente du GIT
1-Décret n° 2022-1664 du 27 décembre 2022 relatif à la formation spécifique des infirmiers de santé au travail
2-Décret n° 2022-679 du 26 avril 2022 relatif aux délégations de missions par les médecins du travail, aux infirmiers en santé au travail et à la télésanté au travail
3-Rôle propre de l’infirmier art R 4311-5, R 4311-5-1 et R 4311-6 du Code de la Santé Publique.
4-Rapport SPST 2022